«Le Wapikoni mobile, ce studio ambulant de création audiovisuelle et musicale qui devait s’arrêter au cours des prochains mois dans 12 communautés autochtones du Québec, a dû mettre un frein à ses activités. Le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada a coupé les vivres sans avertissement à l’organisation à but non lucratif dont le travail a été maintes fois applaudi, a appris Le Devoir.» (Le Devoir, 18 juillet 2011)
La survie de Wapikoni mobile est menacée. Dans ce contexte, je publie ici un travail de recherche débuté à l’automne 2010 dans le cadre d’un cours à distance abandonné en route. Ce dossier est tout à fait incomplet: on n’y trouvera ni référence au problème de financement actuel, ni réponse aux interrogations soulevées. Toutefois, en situant l’organisme dans la question plus large de l’autoreprésentation autochtone et en posant certains repères historiques et théoriques, j’ose espérer que cette publication pourra nourrir la réflexion de quelques lecteurs et peut-être même de certains acteurs en cause. Si par ailleurs un étudiant, chercheur ou autre penseur avait envie de poursuivre le travail commencé, je souhaite que cette ébauche puisse lui être utile. Tant de travaux universitaires terminés et notés parfaitement ne sont lus que par une ou quelques personnes…
Dossier de recherche
Il me semble tout à fait logique de réaliser ce dossier de recherche en continuité avec mes expériences de production audiovisuelle et mon intérêt pour les approches participatives et collaboratives. Je projette donc de travailler sur le projet Wapikoni mobile. Avant d’en arriver là, j’ai l’intention d’établir d’abord une revue des approches anthropologiques principales concernant l’autoreprésentation des peuples autochtones et la production médiatique participative. Les réflexions de Jean Rouch sur l’anthropologie partagée, le Navajo Project de Sol Worth et John Adair ainsi que les théories plus récentes de Faye Ginsburg sur les «indigenous media» devraient constituer un bon point de départ pour cet inventaire. Je devrai aussi définir plus précisément l’approche du «vidéo d’intervention» privilégiée par Wapikoni mobile.
Afin d’ancrer mon dossier à l’intérieur des balises de ce cours, je prendrai soin de documenter les principaux projets de production vidéo réalisés en association à des communautés autochtones canadiennes au cours des cinquante dernières années. Je présenterai notamment plusieurs initiatives émanant de l’ONF, donc du gouvernement fédéral. Parmi celles-ci, les plus pertinentes devraient être le programme Société Nouvelle/Challenge for Change qui mena à la création de l’Indian Film Crew en 1968, le Studio One, studio de production réservé aux cinéastes autochtones et né en 1991 dans la foulée de la crise d’Oka, ainsi que l’Aboriginal Filmmaking Program et le programme First Stories. D’autres réalisations remarquables feront l’objet de mon survol historique, soit le Réseau de télévision des peuples autochtones (APTN), la plateforme IsumaTV et les producteurs indépendants Igloolik Isuma Productions, ainsi que l’émission La Course autour de la grande tortue. Ces initiatives seront examinées dans une perspective ethnohistorique, soit en tentant d’identifier leurs apports à l’autoreprésentation des peuples autochtones canadiens.
Finalement, c’est sur ces bases que j’analyserai le cas précis du Wapikoni mobile, un projet d’intervention et de formation vidéo en communautés autochtones. Depuis sa fondation en 2004, Wapikoni a rendu possible la production de nombreux documents audiovisuels réalisés par des jeunes de 17 communautés autochtones québécoises et semble donner naissance à toute une génération de créateurs, comme a pu le faire l’Indian Film Crew dans les années 70. Les impacts locaux sont impressionnants et le rayonnement international l’est tout autant. La mise en place de deux studios permanents à Wemotaci (nation Atikamekw) et à Kitcisakik (nation Anicinapek) laisse entrevoir une appropriation encore plus complète des moyens de production. Il sera sans doute fort instructif d’établir des liens entre ce projet et les initiatives historiques précédentes et d’analyser le tout à la loupe de l’anthropologie, afin de réfléchir aux forces et aux faiblesses de projets comme le Wapikoni mobile.
D’Igloolik à Wemotaci et Kitcisakik en passant par Natashquan
«L’idée c’est de donner la chance aux participants de pouvoir apprendre à faire du cinéma, mais aussi de s’exprimer, parce que c’est pas tout le monde qui a envie de faire des films Wapikoni, y a des gens qui veulent juste dire quelque chose, qui veulent prendre la parole et puis c’est, j’espère, ce qu’on offre à nos participants.»
– Tobie Fraser, formateur Wapikoni (Fraser et Bellefleur-Kaltush, 2010)
En vue de déterminer comment le projet Wapikoni mobile s’inscrit dans l’historique d’autoreprésentation des peuples autochtones, il est pertinent d’examiner les particularités des modes de représentation propres aux peuples concernés. Karoline Truchon apporte des éléments de réflexion fort intéressants dans son article sur «l’importance de l’aspect relationnel dans l’auto-(re)présentation de jeunes Innus» (Truchon 2005a), éléments approfondis dans son mémoire de maîtrise portant sur «la photographie comme agent d’empowerment» en milieu autochtone (Truchon 2005b). Un autre exemple éclairant est celui des groupes Isuma et Arnait d’Igloolik, au Nunavut, dont certaines productions contemporaines sont commentées par le Cache Collective dans un chapitre de l’ouvrage Global Indigenous Media : Cultures, Poetics and Politics (Cache Collective 2008).
L’intérêt grandissant de l’académie pour l’autoreprésentation des Autochtones n’est pas fortuit, comme le soulignent d’entrée de jeu les directeurs de ce recueil : «In this landscape, control of media representation and of cultural self-definition asserts and signifies cultural and political sovereignty itself» (Wilson et Stewart 2008 : 5). D’un point de vue historique, les imageries publiques des nations amérindiennes et inuites, produites principalement par des non-autochtones, ont été marquées par les stéréotypes, la simplification et la fabrication d’un «Indien imaginaire». Ces imageries «ne représenteraient pas les Autochtones ; elles expliqueraient plutôt les attitudes des Euro-Canadiens/Américains envers ces derniers qui s’en servaient pour mieux se définir dans leur nouvel environnement» (Truchon 2005b : 69). Truchon soutient toutefois que si une relation asymétrique est évidente dans ce système représentationnel, les Autochtones n’en sont pas que des victimes, s’étant appropriés le médium visuel «par des utilisations et des compositions qui reflètent leur expérience» (Truchon 2005b : 56).
Les collectifs vidéo Isuma et Arnait constituent de bons exemples de cette appropriation. La communauté d’Igloolik a accepté seulement en 1983 de recevoir des ondes télévisuelles, sous la condition que la télédiffusion incorpore la langue inuite et du contenu pertinent aux habitants du Nunavut. La volonté déjà présente de diffuser des productions nordiques à une audience inuite s’est transformée en nécessité, menant à la création de deux collectifs locaux de production vidéo (Cache Collective 2008 : 74-75). La prise en main de leur représentation visuelle par ces groupes s’est concrétisée non seulement par des succès internationaux (Atanarjuat : The Fast Runner et The Journals of Knud Rasmussen) et par une vaste collection de documentaires, mais aussi par l’initiative digitale Isuma.Tv, un portail de diffusion de vidéos pour cinéastes autochtones du monde entier. La roulotte Wapikoni mobile, en tant que projet vidéo d’intervention fondé et dirigé par des non-autochtones, est bien différent d’Isuma et Arnait, mais la création récente de deux studios permanents du Wapikoni à Wemotaci et Kitcisakik ouvre la porte à une réappropriation à long terme des moyens de production.
En utilisant une approche centrée sur «le relationnel dans la technique», il serait possible d’étudier les photos et vidéos autochtones en tant que «relations» et non comme «objets», nous rapprochant ainsi d’une conception émique de la culture (Truchon 2005a : 95, 104). Les vidéos réalisés par Isuma et Arnait sont créés pour une audience inuite : «When Susan [Avingaq] makes a video about caribou clothing, she’s not thinking that someone in Montreal will be interested in it […]. She’s making it for people in town to learn how to do caribou-skin clothing» (Fleming 1996 in Cache Collective 2008 : 77). Le style de la production qui en résulte, créée par et pour une même communauté, est déterminé par la culture locale. Ce style se caractérise entre autres par des structures narratives ouvertes, influencées par les conditions climatiques et sans conflits apparents, tout en défiant les catégories spatiales et temporelles classiques du cinéma (Cache Collective 2008 : 78). Voir aussi The Art of Inuit Storytelling et The Art of Community-based Filmmaking.
Dans son projet de photos participatif avec de jeunes Innus de Mani-Utenam, Karoline Truchon a repris une approche conceptualisée par Sol Worth, celle du bio-documentaire «effectué par un non-professionnel [qui] présente comment il se sent dans le monde dans lequel il vit» (Truchon 2005b : 92). Cette démarche lui a permis de découvrir que «l’important pour [les participants] était ce qui figurait sur la photo, c’est-à-dire le lien les unissant à ce qu’ils ont représenté» (Truchon 2005a : 96). Dans une table ronde sur le documentaire et l’art communautaire ayant eu lieu le 18 novembre 2010 à Montréal, un formateur Wapikoni présentait dans le même sens le travail d’un des participants :
«À Natashquan, il y a un gars que j’aime bien, qui s’appelle Bastien et je dirais que lui il fait des films pour sa communauté seulement. C’est-à-dire que y a vraiment pas dans l’idée de faire des films dans la vie, ça ne l’intéresse pas. Pis quand il fait un film, il pense vraiment juste à qu’est-ce qu’il va dire à sa communauté, il s’en fout de savoir « Est-ce que mon film va être vu ailleurs ? » […] Quand il présente ses films à Natashquan, les gens aiment ça, sont contents, sont fiers de lui, lui est fier de sa communauté pis de transmettre ça à sa communauté…» (Fraser et Bellefleur-Kaltush 2010)
L’interprétation d’une image ne peut être effectuée de la même façon selon que celle-ci soit destinée à une consommation privée ou à une diffusion sur des réseaux publics (Truchon 2005b : 73). Dans le cas qui nous intéresse, celui des productions vidéos réalisées par les jeunes participants du Wapikoni mobile, le passage du privé (communauté) au public autochtone (autres réserves) ainsi qu’au public non-autochtone (festivals, tables rondes, Internet) de ces documents visuels est un élément important à prendre en compte. Si la visibilité et le succès des films Wapikoni sur la scène internationale semble toujours s’inscrire dans le paradoxe de «l’Indien à qui on veut du bien» (Truchon 2005b : 57) et dans une certaine relation transactionnelle (Truchon 2005a : 96), l’étude de l’expérience locale des studios permanents nous en apprendra probablement davantage sur les apports de ce projet à l’autoreprésentation des peuples autochtones.
Autres extraits de Fraser et Bellefleur-Kaltush, 2010
Extraits retranscrits d’un enregistrement effectué lors de la table ronde Doc et art communautaire: quelles expériences pour quels résultats ?, 18 novembre 2010, Cinéma ONF, Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal.
Tobie Fraser et Janie Bellefleur-Kaltush (Natashquan), formateur et participante, Wapikoni Mobile.
Tobie, 1m24s : «L’idée c’est de donner la chance aux participants de pouvoir apprendre à faire du cinéma, mais aussi de s’exprimer parce que, bon, c’est pas tout le monde qui a envie de faire des films Wapikoni, y a des gens qui veulent juste dire quelque chose, qui veulent prendre la parole et puis c’est, j’espère, ce qu’on offre à nos participants.»
Janie, 26m45s : «Dans notre communauté y a pas de centre commercial, y a pas de disquaire, y a rien. Y a juste un petit dépanneur où tu peux acheter des chips pis de la liqueur. Tsé, c’est pas à tous les jours qu’une roulotte arrive qui est toute équipée d’une caméra pis d’une toile pour projeter, d’un intervenant pis des cinéastes, c’est nouveau. Moi j’ai sauté sur l’occasion. Moi j’ai dis « j’veux l’faire, j’veux l’faire » pis… c’est ça là.»
Janie, 27m38s : «Ce que ça m’a apporté ? Bin mon film y a été projeté dans plusieurs festivals à travers le monde, j’ai eu une subvention au Conseil des arts, j’ai travaillé sur le film d’Yves Sioui-Durand cet été… pas mal d’affaires ! (rires) Oui, c’est vrai, j’ai gagné un prix… (rires) … meilleur court-métrage au festival à Toronto, ImagineNATIVE. (applaudissements)»
Tobie, 33m15 : «Par exemple, pour moi le film de Janie représente un peu ça, quelqu’un qui s’est servi de ces outils là pour dire quelque chose qu’elle n’avait pas dit à personne et… Bin y a un impact comme on le dit, par exemple on en parlait hier Janie et moi, […] Janie a présenté ce film là aux gens de sa communauté pis après a eu beaucoup de commentaires. Je ne sais pas si elle s’attendait à ça à l’époque, on en parlait un peu hier justement, j’pense que tu t’attendais pas à ça, t’avais décidé de le faire, mais tu t’attendais pas à ce que… tu savais peut-être pas ce que ça allait donner. As-tu envie de nous raconter ça un peu ? Qu’est-ce qui est arrivé selon toi après la présentation de ce film là ? Y a eu des changements, est-ce que … ?»
Janie, 34m23 : «Oui, j’ai eu beaucoup de commentaire là-dessus, beaucoup, beaucoup. Y a beaucoup de monde, des hommes, des femmes, des jeunes, qui sont venus me voir qui m’on dit « T’as tapé dans le mille, c’est ça qui se passe ici, t’as raison là. » J’ai fait ce film là pour dénoncer c’qui s’passait chez nous pis c’est ça qui arrive. Depuis un an, j’ai remarqué que y a moins de monde qui s’occupe des affaires des autres « tsé, ça m’intéresse pas, c’est leur vie ».»
Janie, 37m35s : «Moi, oui, ça a piqué mon intérêt, mais les autres c’est… y a beaucoup de gêne chez nous, c’est pas tout le monde qui… Ils veulent faire des films, mais ils sont gênés de le faire. C’est vraiment… ils sont très timides. Mais y en a qui en parlent, ils veulent faire, ils veulent faire mais… sont trop gênés.»
Tobie, 39m26s : «Bin c’est sûr que Wapikoni on a découvert ça très tôt dans le projet y a plusieurs années, l’idée c’est justement de, malgré le fait que, c’est sûr qu’on aimerait ça être là tout le temps, malgré le fait qu’on est pas là tout le temps, on est là un mois par année, on essaie d’entretenir cette relation là avec les jeunes qu’on a connu, avec la communauté. Donc, un peu à la manière qu’on engage quelqu’un pour être en lien avec cette communauté là, comme je le disais tout à l’heure, bin, on s’assure aussi à notre départ, pis à force d’y retourner ces liens-là se créent, d’avoir des gens dans la communauté qui sont là pour répondre à certains besoins.»
Tobie, 52m47s : [Sur la question du pouvoir au sein des projets] «Au Wapikoni mobile on est souvent en train de se poser cette question là, jusqu’où nous on va quand on enseigne quelque chose, quand on montre quelque chose, parce que c’est sûr qu’on a, sans même s’en rendre compte, on a parfois ce pouvoir de suggestion là, ne serait-ce qu’en discutant avec nos participants, en disant « Ouais, mais t’as-tu pensé à ça ? » ou bien « Ton idée est bonne, on pourrait peut-être faire ça ». On est nous aussi en train de voir un film, y a un participant qui est là, qui a une idée, qui veut faire son film, mais nous on en voit un, pis chacun, j’imagine, on voit notre film différemment. Donc comme on est toujours un peu en groupe, on est quand même plusieurs, bin… moi j’oserais pas dire qu’il n’y a pas cette influence là. Quelqu’un qui fait un film pour la première fois, c’est sûr qu’il nous écoute, il discute avec nous pis il trouve nos idées bonnes, y en prend une pis y en laisse une autre à côté, je le sais pas. […] J’pense que c’est sûr que, c’est sûr qu’on y échappe pas, pis on se pose souvent la question « Jusqu’où on va ? » pis ça nous préoccupe, parce qu’on veut… notre objectif c’est quand même que ce participant là puisse faire son film pis qu’il dise ce qu’il a envie de dire pis de la manière dont il veut le dire. Après ça c’est vrai qu’il y a aussi d’autres contraintes, nous on fait des courts-métrages, on est là seulement un mois, il y a quand même un certain horaire à respecter même si on s’adapte à la communauté pis à nos participants. À un moment donné il y a quand même un contexte de production qu’on doit un peu respecter pis dans ce contexte là, c’est sûr qu’on se pose souvent la question. Pis toi Janie, tu pourrais sûrement nous dire … comment tu trouves ça ? Comment t’as trouvé ça ton expérience ? Est-ce que tu trouvais qu’on te laissait la liberté ? »
Janie, 54m37s : «Bin c’que j’avais à dire, Alex y a tout dit… (rires) Dans les mots là»
Tobie, 1h22m28s : «Moi l’idée que j’aime bien au Wapikoni c’est quand je vois des jeunes comme à Natashquan, il y a un gars que j’aime bien, qui s’appelle Bastien et je dirais que lui il fait des films pour sa communauté seulement. C’est-à-dire que y a vraiment pas dans l’idée de faire des films dans la vie, ça l’intéresse pas. Pis quand il fait un film, il pense vraiment juste à qu’est-ce qu’il va dire à sa communauté, il s’en fout de savoir « Est-ce que mon film va être vu ailleurs ? » puis j’pense pas qu’il parle aux gens qui ne font pas partie de sa communauté. Donc ça j’aime toujours ça cette idée là de voir des gens comme ça qui… bin déjà lui il a un public pis ça fonctionne très bien. Quand il présente ses films à Natashquan, les gens aiment ça, sont contents, sont fiers de lui, lui est fier de sa communauté pis de transmettre ça à sa communauté… Donc, ça j’aime toujours ça voir ça. Après, c’est sûr que ce changement là peut aussi aller plus loin. Je pense que un film qui voyage… Ce qu’il y a de particulier au Wapikoni c’est qu’on a un réseau vraiment… Quand on va dans une autre réserve, bin les gens souvent ont déjà vu des films du Wapikoni. Donc y a ce réseau là qui se crée entre les réserves, entre les participants du Wapikoni pis entre les membres de ces communautés là. Pis ça c’est intéressant, parce que avant même de… là ici on voit des films du Wapikoni dans un festival pis tout ça, on en voit quelques uns, mais dans une année y en a une soixantaine qui ont été faits par des jeunes pis ces films là on les voit pas nécessairement. Quoique maintenant sur Youtube ça a un peu démocratisé tout ça, on peut les voir. Mais, tout ça pour dire qu’il y a des films qui voyagent quand même, même si on les voit pas en festivals, pis moi j’aime bien cette idée là, je la trouve très intéressante, je trouve ça intéressant quand je vais dans une autre réserve qu’un jeune me dise « J’ai vu le film de Janie », par exemple.»
Tobie, 1h24m30s : «Non, j’parle pas de la visibilité du projet, j’parle du fait que un jeune a envie de dire quelque chose, il le fait. Pis ça a un changement pour lui et dans sa communauté. Dans le cas où je parlais de Bastien, ça amène quand même chez cette personne là une fierté pis… Janie disait tout à l’heure « Y a pas grand chose à faire dans une réserve », mais c’est vrai… Tout ça pour dire que y a pas grand chose à faire, mais les gens s’ennuient, les gens sont… j’veux pas généraliser, mais y a des gens qui dépriment là-bas, moi quand je vois un jeune qui est intéressé, qui a envie de dire quelque chose pis qui le fait, que ce soit Janie, que ce soit Bastien, que ce soit tous les autres que je connais, bin j’suis toujours content. Avant même de savoir si ce film là va être vu après, pis j’pense que y a quand même plusieurs films qui sont vus aussi. Donc y a quand même… y a quand même un changement qui peut avoir lieu ailleurs, dans nos mentalités de Montréalais, par exemple, qui regardent des films sur Natasquan pis qu’on est jamais allés. Mais moi ce qui m’intéresse le plus comme j’ai déjà dit, c’est vraiment le changement individuel dans leurs communautés parce que c’est là que ça commence.»
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