Projections libérantes à la Casa Obscura

Le vendredi 31 mai 2013, j’aurai l’honneur de présenter deux de mes courts-métrages de la série «Expression et répression» aux Projections libérantes de la Casa Obscura, dans le même programme que deux autres œuvres documentaires très importantes à propos des mouvements de contestation et de la répression de 1968. Ces deux derniers films sont rarement diffusés et ne sont pas disponibles en ligne. Il s’agira d’une chance unique de les voir ou de les revoir, en écho avec la situation actuelle.

La Casa Obscura est un centre d’artistes multidisciplinaires autogéré basé à Montréal. Le documentariste Richard Brouillette (Trop c’est assez, L’encerclement: la démocratie dans les rets du néolibéralisme) y anime depuis 1993 un ciné-club hebdomadaire consacré au film de répertoire et d’auteur. Pour plus d’informations, visitez la page Facebook des projections et le site web de la Casa Obscura.

Projections libérantes, programme du 31 mai 2013

Casa Obscura, 4381 rue Papineau, Montréal (carte).
Ouverture des portes à 20h30, projections à 21h. Entrée libre, places limitées.
En présence de Richard Brouillette, Pascal Gélinas et Moïse Marcux-Chabot.

– Notes sur la contestation (1974, 56 min), Louis Portugais
– Taire des hommes (1968, 32 min), Pierre Harel et Pascal Gélinas
– Autour d’une souricière (2013, 16 min), Moïse Marcoux-Chabot
– Le règne de la peur (2013, 16 min), Moïse Marcoux-Chabot

Notes sur la contestation

Louis Portugais, 1974, 56 min.

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Image et description tirées du site de l’Office National du Film et d’une analyse du film par Yves Lever.

«Les Jeux olympiques de Mexico 1968 sont le point de départ de ce film-reportage sur le comportement actuel d’un large secteur de la jeunesse pour qui la contestation est devenue le plus sûr véhicule de la revendication. Étudiants, enseignants et ouvriers s’expriment en «une tribune libre» et décrivent les malaises qui sous-tendent les formes multiples de la contestation. En surimpression, un narrateur cite les philosophes et historiens connus: Henri Lefebvre, Herbert Marcuse, Ramsay Cook, etc.» (ONF)

«Louis Portugais fait ici un panoramique sur la contestation en divers pays (Mexique, Etats-Unis, Québec) à l’automne 68. […] Au Québec, à peine un an après la mise sur pied des cégeps, des étudiants les occupent et en revendiquent l’autogestion; des mouvements semblables se passent dans les universités et d’autres jeunes posent des bombes avec le Front de libération du Québec (FLQ). Qu’est-ce qui anime toute cette jeunesse? Portugais lui donne la parole pour tâcher de la comprendre de l’intérieur. Classés en quatre « carnets » aux titres de « le generation gap », « le pouvoir étudiant », « le refus » et « la violence », il présente les thèmes principaux de la contestation. […] Plus localement, ces grands mouvements prennent diverses formes : occupations des cégeps par les étudiants, sabordage d’associations étudiantes pour se joindre aux regroupements populaires de travailleurs, manifestations nationalistes pour le français à Saint-Léonard, gestes spectaculaire du FLQ, moqueries contre la « société juste » du premier ministre Trudeau qui profite « juste » aux riches et aux ministres, longues discussions sur l’utilisation de la violence, etc. Dans les milieux étudiants, on veut refaire le monde seuls, car « dialoguer, c’est se faire fourrer » par tous les pouvoirs, même ceux des syndicats.» (Yves Lever)

Taire des hommes

Pascal Gélinas et Pierre Harel, 1968, 32 min.

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Image et description tirées du site sur le cinéma québécois de Télé-Québec.

«24 juin 1968 : les chars allégoriques défilent dans les rues de Montréal pour la fête de la Saint-Jean-Baptiste. Ils passent devant la tribune d’honneur où se tient Pierre Elliott Trudeau, nouveau chef du Parti libéral et Premier ministre désigné du Canada. On est en pleine « trudeaumanie » et l’aversion du politicien pour les séparatistes est bien connue. Soudainement, quelques activistes se ruent vers lui, et c’est la cohue. La police intervient et arrête 300 personnes. […] Malgré les bousculades et les cris de haine surgissant de la foule à son endroit, Trudeau refuse, devant les caméras, de se mettre à l’abri. Le lendemain, il était élu Premier ministre du Canada.

En reconstituant cette journée violente, Pascal Gélinas et Pierre Harel montrent l’autre côté de l’émeute: la répression des manifestants par les forces policières, avec ses coups de matraque et ses arrestations arbitraires… Les deux cinéastes ont recueilli les témoignages de quelques personnes arrêtées cette nuit-là, qui racontent les sévices qu’elles ont subis derrière les portes clauses du poste de police. Un peuple sans histoire était en train de s’en fabriquer une.»

À lire en complément: Le mémoire de la répression, du printemps au Lundi de la matraque

Autour d’une souricière

Moïse Marcoux-Chabot, 2013, 16 min.

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Extraits tirés du texte accompagnant le film.

«5 avril 2013. En réaction à la répression de plusieurs manifestations récentes, un rassemblement s’organise contre le règlement P-6 de la ville de Montréal et pour revendiquer le droit de manifester. Les quelques centaines de personnes qui se réunissent à la Place Émilie-Gamelin sont encerclées par un important dispositif policier dès leur arrivée. […] Autour de cette souricière, le manège habituel se reproduit. Les journalistes qui n’ont pas été eux-mêmes pris dans l’arrestation de masse sont confinés à un «enclos» d’où ils pourront exercer leur liberté de presse, sous la surveillance d’agents du groupe d’intervention. […]

Autour de cette souricière, les policiers prennent un café, flirtent, se racontent des histoires. Ils rigolent et se demandent quand ils prévoient repartir en voyage. Ils comptent les liasses de contraventions: 279 selon le bilan final. Peu importe qu’elles soient contestées, vides de sens, illégitimes… Il y a des policiers qui donnent des ordres et d’autres qui obéissent. Autour de cette souricière, il y a des passants, des arrêtés libérés et des gens libres à arrêter. […] Autour de cette souricière, il y a des policiers qui se cachent, d’autres qui tiennent la ligne sans dire un mot, certains qui fanfaronnent et quelques uns, plus rares, qui discutent sans jamais trop se compromettre.»

Avec les voix de Michel Foucault, Michel Chartrand et Luc Picard/Gaston Miron.

Le règne de la peur

Moïse Marcoux-Chabot, 2013, 16 min.

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Extraits tirés du texte accompagnant le film.

«1er mai, fête internationale des travailleuses et des travailleurs. À Montréal, une manifestation appelée par la Convergence des luttes anticapitalistes (CLAC) se rassemble devant l’hôtel de ville. La répression politique s’amplifie de manifestation en manifestation depuis mars, sous le couvert du règlement municipal P-6 visant à préserver l’ordre public. Des groupes venus de plusieurs quartiers se rassemblent et, après une première tentative d’encerclement par la police et quelques accrochages, la marche se met en branle. Elle est déclarée illégale par les autorités et est encerclée de nouveau un peu plus loin, devant le musée de Pointe-à-Callière. Environ 450 personnes sont arrêtées et passeront de 3 à 18 heures en détention. […]

Les maîtres règnent par la peur et la peur règne en maître. Peur de manifester, peur de se faire arrêter, peur de se faire frapper, peur d’oser exprimer sa colère en compagnie de semblables soufrant des mêmes injustices, peur de subir le discernement armé, la détention prolongée, la répression généralisée. Angoisse en imaginant ce qui est à venir, nausée en voyant ce qui est en train de se passer. Des sentiments usés, déjà vécus, déjà combattus. « Le règne de la peur multiforme est terminé », écrivaient les signataires du manifeste Refus global en 1948.»

Avec les voix d’Omar Aktouf, Pierre Vallières et Françoise Sullivan/Moïse Marcoux-Chabot/Paul-Émile Borduas.


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