Le pouce levé quelque part au Nouveau-Brunswick

Texte publié le 2 octobre 2012 comme statut Facebook. Archivé ici le 29 décembre 2012.

Au mois d’août, le pouce levé quelque part au Nouveau-Brunswick, entre la chaude baie gaspésienne et les îles madeliniennes, je me suis fait embarquer par Cedric Vieno, auteur-compositeur-interprète qui m’avait vu en montant vers Campbellton et m’a ramassé en revenant une heure plus tard.

Sur son siège arrière, il y avait une caisse pleine de disques, fraîchement embarqués, les siens: des copies de son premier album, qu’il se préparait à lancer le lendemain. La route était belle, la jasette sympathique. Je suis ressorti un peu plus tard de son auto avec en mains la première copie de son premier disque, offerte comme une bouteille lancée à la mer.

Le disque a fait le reste de la route sans sortir de sa pochette et est revenu à Montréal avec moi. Il est resté sagement sur un coin de mon bureau, accumulant la poussière, jusqu’à ce que je sente le moment venu de le laisser s’exprimer. Dimanche matin, journée pluvieuse, café fumant, réveil brumeux, à quelques jours de repartir vers la Baie-des-Chaleurs: j’ai laissé cet acadien généreux rythmer ma journée de ses émotions et grattements de guitares…

L’album, NorthShore Love Stories, tourne et retourne dans mes oreilles depuis trois jours. Dans son char, alors que la route défilait, il m’avait lancé: «Je m’étais promis de ne pas faire un disque qui parle d’amour… mais finalement, la vie a fait que mon premier disque ne parle que de ça.»

C’était loin d’être gagné d’avance. À part Richard Desjardins et sa voix rocailleuse comme le Nord, il n’y pas grand monde qui peut me rejoindre avec une toune d’amour. Mais Cedric Vieno s’en tire très bien. Peut-être parce qu’au-delà du thème général, il chante surtout l’attirance, la distance, la parole, le silence, les souvenirs et l’oubli.

Je ne suis pas critique musical, encore moins musicien. Mais ses rythmes lancinants et mélancoliques m’ont embarqué de façon inespérée, comme un lift après une heure de pouce infructueux. Ses paroles ont quant à elles une résonance qui va bien au-delà des quelques dizaines de kilomètres faits ensemble.

«Remplir le vide mais mon verre surtout
C’est pas c’qu’elle dit,
c’est c’qu’elle dit pas qui parle plus fort
[…] c’est pas c’que j’dis c’est c’que j’rêve qu’est important
Pis j’mange du rêve ça fait longtemps
Les hommes se battent le ventre vide»
Éloïse, par Cedric Vieno

À écouter intégralement sur Bandcamp. C’est plus rapide que d’aller faire du pouce dans l’est en espérant vous faire embarquer par un chanteur, mais ça ne laisse pas la même trace.

Mise à jour, 7 octobre 2012

L’artiste a partagé sa version de l’anecdote dans un billet de blogue intitulé Faut croire qu’à semer d’la poésie comme ça…»:

«Août dernier, j’suis en chemin pour aller chercher mes boîtes de CD qui arrivent par autobus à Campbellton. Sur la route, j’croise un pouceux en sens inverse et j’me promet d’le ramasser s’il est encore là à mon retour. À peu près une heure plus tard… il est encore là, donc j’le ramasse. On jase tranquille, il s’en va aux îles.. Parce qu’il est sympathique, et aussi par poésie, j’lui donne la toute première copie de NorthShore Love Stories. Faut croire qu’à semer d’la poésie comme ça…»

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