Victoriaville, 4 mai 2012. Photo David Champagne.
Je ne suis ni neutre, ni objectif.
Une arme à feu est neutre et objective.
Une caméra est neutre et objective.
Ceux qui les manipulent sont positionnés.
Ce qu’ils visent relève d’un choix subjectif.
Mon point de vue est subjectif, positionné et engagé.
Prétendre le contraire serait une insulte à l’intelligence.
C’est ainsi que j’ai réfléchi à mon engagement en tant que documentariste lorsque j’ai vu la photo qui coiffe cette nouvelle. Sur cette image, c’est moi qui fait face au tireur de la Sûreté du Québec. Nous avons chacun nos armes: lui son fusil à balles de plastique, moi mon appareil photo/vidéo. Évidemment, pour ceux qui suivent mon parcours depuis mon passage par l’anthropologie visuelle, il n’y a rien de nouveau dans cette mise de l’avant de ma subjectivité.
Cependant, c’est aussi avec cette approche que je débattrai cette semaine de la notion d’engagement en journalisme indépendant, lors d’une table ronde organisée par Ublo Média. Le monde du journalisme étant beaucoup plus à l’aise avec l’idée rassurante de l’objectivité qu’avec celle de la subjectivité, ça devrait être assez intéressant. Il semble que mon travail récent attire suffisamment l’attention pour qu’on m’invite à débattre de journalisme aux côtés de Pierre Sormany (l’auteur d’un livre classique sur le journalisme au Québec), Émilie Dubreuil de Radio-Canada et Tim McSorley de la Coop Média Montréal. Si le sujet vous intéresse mais que vous ne pouvez vous déplacer, l’événement sera diffusé en direct par 99%Média.
Table ronde: l’engagement du journalisme indépendant
Lundi 25 mars 2013, 19h
Sporting Club, 4671 Boul. Saint-Laurent, Montréal
Événement Facebook
Il est vrai que j’interviens de plus en plus souvent dans l’espace public depuis quelques mois. Après avoir concentré ces interventions sur les réseaux sociaux pendant la grève, j’ai profité de la fin de l’année 2012 pour rapatrier ici les publications les plus pertinentes à ce sujet. Depuis, c’est mon site qui est redevenu ma plateforme de diffusion principale. Une tendance lourde caractérise mon travail récent, soit la documentation des mouvements sociaux, du maintien de l’ordre et de la répression policière. Ce n’est pas nouveau. À travers mon projet L’ordre et les idées, qui fera bientôt l’objet d’une annonce en soi, je m’intéresse à ces sujets depuis un certain temps. Et la police elle-même commence à s’intéresser à moi, comme on peut le constater en visionnant mon film Démonstration de force répressive tourné le 15 mars dernier.
Je préfèrerais de loin écrire sur la diversité des médias plutôt que sur leur morosité, filmer des images paisibles plutôt que des confrontations violentes, documenter des initiatives lumineuses plutôt que de sombres abus de pouvoir. Mais le climat social actuel et les changements au maintien de l’ordre que j’observe depuis trois ans sont trop inquiétants pour que j’arrive à m’en détacher. Si je cessais ce travail, je dormirais probablement mieux la nuit ou je dormirais la nuit, tout simplement. Toutefois, lorsque la simple tenue d’une manifestation justifie des coups de fil aux proches pour les rassurer sur mon intégrité physique, la question de l’implication ne se pose plus comme un choix, mais comme une impérieuse nécessité.